souvenirs
La Rhéto 65-66, commencement de la fin ou fin du commencement ?
Au moment d’entamer la rédaction de cette chronique me vient à l’esprit une citation de Sylvie Germain (écrivaine et philosophe française) : On écrit dans une solitude et jamais pour un public ; mais jamais pour soi seul non plus. On écrit pour ce qu’il y a d’altérité en soi. Écrire c’est aller à la rencontre des autres qu’on porte en soi et qui y ont laissé des traces. Il faut se relier à tous les autres dont on est fait, se réapproprier des rêves, des fantasmes, des non-dits, des blessures, des espoirs, des amours, des débours.
Cela m’a-t-il habité ? Je pense. En tout cas elle m’a conduit à fréquenter les ateliers d’écriture (de récits de vie et fictionnels) où j’ai appris à me confronter à d’autres styles et surtout à assumer le mien. Le respect y était de rigueur et la résonnance des participants prédominante.
Cette chronique, débutée en 1997, sans intention d’éditer dans la revue de Bernardfagne touche insensiblement à sa fin, du moins si on en considère l’aspect chronologique. Elle fut réalisée et un peu poussée par un besoin personnel. Mon premier lecteur en fut Michel Guisse (Rh 66). Par la suite je fus amené à l’envoyer à Maurice Tromme. Lors de la rencontre décennale en octobre 96 (le 20, le jour de la marche blanche) il m’invite à lire ce que j’avais rédigé. Entre l’apéritif et l’entrée, entre celle-ci et le plat, puis entre le plat et le dessert. Lors de cette dernière séquence l’écoute s’étiole insensiblement. Tout à fait normal : le vin fait ses effets. Ne conseille-t-on pas aux orateurs et prédicateurs de limiter leurs laïus à 6 ou 7 minutes.
J’échange assez bien avec Martin Pauly (Rh 66) à propos de mon écrit. Ceci dit, nous voici à la fin de notre parcours à nous Rhéto 66.
Janvier 1966 : Lors d’une rencontre avec l’abbé Jehenson, celui-ci me confie qu’il n’en finit pas de consoler des élèves sous l’emprise du cafard. Ils ont dû quitter le doux cocon familial, l’ambiance des fêtes. Il m’invite à éviter la contagion auprès de mes voisins si je suis saisi de cet état d’âme. Cinquante ans plus tard au niveau sociétal ce sera le « lundi bleu », le troisième du mois de janvier, où règne l’atmosphère des trains de banlieue, où les travailleurs, toutes catégories confondues, sont encore endormis et tristes. Ce phénomène sera un tantinet médicalisé, du moins en France. Pour ma part, oui, avec une certaine pudeur j’avoue avoir été pris d’un sentiment de cafard en apercevant de mon studio une VW amenant des élèves externes, dont mon frère. Dans ce genre de situation, un clou chasse l’autre.
Arrive la retraite annuelle. Elle a lieu à Banneux, à Mater Dei. L’abbé Jehenson nous met en garde contre le romantisme. Arrivés le dimanche 23 janvier au soir un Rhéto dit en montant l’escalier : « Je connais encore le nombre de marches !! »
Retraite prêchée par l’abbé Pierre Monville, Moment très fort : Il nous invite à formuler, lors de la prière du soir, une prière personnelle. J’ose dire que ce moment m’a marqué. La prière formulée par certains camarades et celle des deux prêtres présents. À la fin de cette retraite eut lieu la fête des rhétos lors de la saint Jean Chrysostome (le 27 janvier).
Dans le courant de ce dernier semestre, des dissertations furent proposées de manière intensive en vue de celle qui sera proposée lors de l’examen de maturité. Je me souviens encore d’avoir parfois sollicité quelques éclaircissements auprès de Jean Nicolaï au sujet du sujet proposé. Ceci dans l’entre-deux portes du studio, chose d’ailleurs interdite.
Mois de mai: match de football professeurs-rhétos : 2-2. Habituellement les rhétos gagnaient ce match ! Prosper Grignet est l’incontournable soutien de l’équipe professorale. Match également entre les poètes et les rhétos, arbitré par Robert Baldan. À la mi-temps les rhétos mènent 1-0. Après le repos, égalisation très rapide. Je suis dans les perches. Ensuite penalty : je me revois encore face à Christian Mohonval calculant la meilleure façon de faire mouche. Réussi : je détourne le ballon …. dans le goal. Et score final 3-1.
Il y a aussi lors de la fancy-fair une compétition d’athlétisme. Je participe à la compétition du saut en longueur. Jean-Marie Vanguestaine organise d’ailleurs chaque année des déplacements au stade de Cointe pour le Cross interscolaire et la compétition d’athlétisme.
Juin : blocus préparatoire aux examens oraux. Les examens écrits ont eu lieu avant ce blocus. Valse des échanges avant et après ces examens oraux. Quelques drames se vivent. Proclamation des réussites et des examens de passages un samedi matin.
L’après-midi a lieu la dissertation de l’examen de maturité. Chacun dans son studio. Je suis interrompu par un poète qui est curieux de ce qui se passe. Je l’évacue gentiment. L’examen oral : beaucoup choisissent le latin, le français. Je choisis les mathématiques. Que vais-je avoir comme question attestant de ma maturité ? Expliquer le principe de la démonstration par l’absurde. Nous sommes avisés par lettre de la réussite ou non de cet examen. À la réception de celle-ci je ne vois pas d’annonce de ma réussite. C’est en déchiffrant plus attentivement la lettre que je découvre qu’il n’y a qu’un seul échec. Il aura été averti séparément.
Comment ai-je vécu ces dernières semaines et particulièrement le dernier trimestre ? À la rentrée en avril, déjà nous apprenons l’accident de Pierre Thunissen qui sera absent le dernier trimestre. Lors des vacances de Pâques, je connais des contacts épistolaires avec certains.
J’avoue que le dernier jour de classe j’éprouve un petit serrement de cœur. Est-ce un sentiment de nostalgie du futur, c’est-à-dire cet inconfort triste et passager à l’entame d’un dernier épisode d’un parcours de vie ? Je dis oui. Ce sentiment est appelé solstalgie. Ce concept a été construit par le philosophe Glenn Albert. « Solstalgie », qui correspond à « l'expérience vécue d'un changement environnemental perçu négativement ». Formé du latin solacium (le réconfort, le soulagement) et du suffixe grec algia (relatif à la douleur), le terme est inspiré du mot « nostalgie ». Un chant bien connu « Ce n’est qu’un au revoir » avec la mélodie envoutante et romantique peut témoigner de ce sentiment.
Échange d’adresses qu’on n’utilisera peut-être jamais. Un groupe ne doit-il pas mourir ? L’idée nait chez certains d’entre nous d’organiser une soirée dansante pour clôturer l’année scolaire. L’abbé Jehenson nous invite à une promenade dans les bois environnants. Le temps est radieux. Nous sommes assis dans l’herbe, réunis en cercle. Il nous engage à rester solidaires entre nous dès l’année scolaire prochaine ; à être vigilants auprès des copains qui brossent les cours (sic). Il aborde finalement le projet de soirée dansante. Il nous confie qu’il a connu une expérience négative une année précédente à ce sujet : « Je me suis fait « crosser » par l’évêché ». Il a une solution : des parents d’élèves prendront l’organisation en mains et la responsabilité reposera sur leurs épaules.
Un souvenir vivace : après la soirée avec quelques-uns nous nous retrouvons à dormir dans le salon chez Francis Mulder. Chahut toute la nuit. Petite colère de Gérard Gihousse qui voulait dormir. Finalement nous étions prêts pour la distribution des prix. Avant celle-ci signature des diplômes chez le Père Henrard.
Fin du commencement ? OUI.
Commencement de la fin, laquelle ? Sous quelles formes ? …
Cela m’a-t-il habité ? Je pense. En tout cas elle m’a conduit à fréquenter les ateliers d’écriture (de récits de vie et fictionnels) où j’ai appris à me confronter à d’autres styles et surtout à assumer le mien. Le respect y était de rigueur et la résonnance des participants prédominante.
Cette chronique, débutée en 1997, sans intention d’éditer dans la revue de Bernardfagne touche insensiblement à sa fin, du moins si on en considère l’aspect chronologique. Elle fut réalisée et un peu poussée par un besoin personnel. Mon premier lecteur en fut Michel Guisse (Rh 66). Par la suite je fus amené à l’envoyer à Maurice Tromme. Lors de la rencontre décennale en octobre 96 (le 20, le jour de la marche blanche) il m’invite à lire ce que j’avais rédigé. Entre l’apéritif et l’entrée, entre celle-ci et le plat, puis entre le plat et le dessert. Lors de cette dernière séquence l’écoute s’étiole insensiblement. Tout à fait normal : le vin fait ses effets. Ne conseille-t-on pas aux orateurs et prédicateurs de limiter leurs laïus à 6 ou 7 minutes.
J’échange assez bien avec Martin Pauly (Rh 66) à propos de mon écrit. Ceci dit, nous voici à la fin de notre parcours à nous Rhéto 66.
Janvier 1966 : Lors d’une rencontre avec l’abbé Jehenson, celui-ci me confie qu’il n’en finit pas de consoler des élèves sous l’emprise du cafard. Ils ont dû quitter le doux cocon familial, l’ambiance des fêtes. Il m’invite à éviter la contagion auprès de mes voisins si je suis saisi de cet état d’âme. Cinquante ans plus tard au niveau sociétal ce sera le « lundi bleu », le troisième du mois de janvier, où règne l’atmosphère des trains de banlieue, où les travailleurs, toutes catégories confondues, sont encore endormis et tristes. Ce phénomène sera un tantinet médicalisé, du moins en France. Pour ma part, oui, avec une certaine pudeur j’avoue avoir été pris d’un sentiment de cafard en apercevant de mon studio une VW amenant des élèves externes, dont mon frère. Dans ce genre de situation, un clou chasse l’autre.
Arrive la retraite annuelle. Elle a lieu à Banneux, à Mater Dei. L’abbé Jehenson nous met en garde contre le romantisme. Arrivés le dimanche 23 janvier au soir un Rhéto dit en montant l’escalier : « Je connais encore le nombre de marches !! »
Retraite prêchée par l’abbé Pierre Monville, Moment très fort : Il nous invite à formuler, lors de la prière du soir, une prière personnelle. J’ose dire que ce moment m’a marqué. La prière formulée par certains camarades et celle des deux prêtres présents. À la fin de cette retraite eut lieu la fête des rhétos lors de la saint Jean Chrysostome (le 27 janvier).
Dans le courant de ce dernier semestre, des dissertations furent proposées de manière intensive en vue de celle qui sera proposée lors de l’examen de maturité. Je me souviens encore d’avoir parfois sollicité quelques éclaircissements auprès de Jean Nicolaï au sujet du sujet proposé. Ceci dans l’entre-deux portes du studio, chose d’ailleurs interdite.
Mois de mai: match de football professeurs-rhétos : 2-2. Habituellement les rhétos gagnaient ce match ! Prosper Grignet est l’incontournable soutien de l’équipe professorale. Match également entre les poètes et les rhétos, arbitré par Robert Baldan. À la mi-temps les rhétos mènent 1-0. Après le repos, égalisation très rapide. Je suis dans les perches. Ensuite penalty : je me revois encore face à Christian Mohonval calculant la meilleure façon de faire mouche. Réussi : je détourne le ballon …. dans le goal. Et score final 3-1.
Il y a aussi lors de la fancy-fair une compétition d’athlétisme. Je participe à la compétition du saut en longueur. Jean-Marie Vanguestaine organise d’ailleurs chaque année des déplacements au stade de Cointe pour le Cross interscolaire et la compétition d’athlétisme.
Juin : blocus préparatoire aux examens oraux. Les examens écrits ont eu lieu avant ce blocus. Valse des échanges avant et après ces examens oraux. Quelques drames se vivent. Proclamation des réussites et des examens de passages un samedi matin.
L’après-midi a lieu la dissertation de l’examen de maturité. Chacun dans son studio. Je suis interrompu par un poète qui est curieux de ce qui se passe. Je l’évacue gentiment. L’examen oral : beaucoup choisissent le latin, le français. Je choisis les mathématiques. Que vais-je avoir comme question attestant de ma maturité ? Expliquer le principe de la démonstration par l’absurde. Nous sommes avisés par lettre de la réussite ou non de cet examen. À la réception de celle-ci je ne vois pas d’annonce de ma réussite. C’est en déchiffrant plus attentivement la lettre que je découvre qu’il n’y a qu’un seul échec. Il aura été averti séparément.
Comment ai-je vécu ces dernières semaines et particulièrement le dernier trimestre ? À la rentrée en avril, déjà nous apprenons l’accident de Pierre Thunissen qui sera absent le dernier trimestre. Lors des vacances de Pâques, je connais des contacts épistolaires avec certains.
J’avoue que le dernier jour de classe j’éprouve un petit serrement de cœur. Est-ce un sentiment de nostalgie du futur, c’est-à-dire cet inconfort triste et passager à l’entame d’un dernier épisode d’un parcours de vie ? Je dis oui. Ce sentiment est appelé solstalgie. Ce concept a été construit par le philosophe Glenn Albert. « Solstalgie », qui correspond à « l'expérience vécue d'un changement environnemental perçu négativement ». Formé du latin solacium (le réconfort, le soulagement) et du suffixe grec algia (relatif à la douleur), le terme est inspiré du mot « nostalgie ». Un chant bien connu « Ce n’est qu’un au revoir » avec la mélodie envoutante et romantique peut témoigner de ce sentiment.
Échange d’adresses qu’on n’utilisera peut-être jamais. Un groupe ne doit-il pas mourir ? L’idée nait chez certains d’entre nous d’organiser une soirée dansante pour clôturer l’année scolaire. L’abbé Jehenson nous invite à une promenade dans les bois environnants. Le temps est radieux. Nous sommes assis dans l’herbe, réunis en cercle. Il nous engage à rester solidaires entre nous dès l’année scolaire prochaine ; à être vigilants auprès des copains qui brossent les cours (sic). Il aborde finalement le projet de soirée dansante. Il nous confie qu’il a connu une expérience négative une année précédente à ce sujet : « Je me suis fait « crosser » par l’évêché ». Il a une solution : des parents d’élèves prendront l’organisation en mains et la responsabilité reposera sur leurs épaules.
Un souvenir vivace : après la soirée avec quelques-uns nous nous retrouvons à dormir dans le salon chez Francis Mulder. Chahut toute la nuit. Petite colère de Gérard Gihousse qui voulait dormir. Finalement nous étions prêts pour la distribution des prix. Avant celle-ci signature des diplômes chez le Père Henrard.
Fin du commencement ? OUI.
Commencement de la fin, laquelle ? Sous quelles formes ? …
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